CURAÇAO

CURAÇAO

Curaçao, je n’ai pas aimé. Et certains jours, j’ai même détesté…

Pourquoi ?

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Mais d’abord situons l’île.

Imaginez-vous debout en son centre. Elle est orientée nord-sud. Placez-vous face au sud. Vous êtes dans les îles ABC. A gauche, Bonnaire et à droite, Aruba. Au fond à droite, l’étroit lien de jungle du Panama qui relie l’Amérique centrale et celle du sud en Colombie. Au fond à gauche, Trinidad et Tobago. On les nomme les  »Iles-sous-le-vent » car elles ne sont pas touchées par le bon vent des Alizées et les grands vents des ouragans.

Derrière vous, les  »Iles-au-vent », les Grandes Antilles, les Caraïbes. Nommez-les, elles sont toutes là : Martinique, Saint-Vincent, Dominique, Guadeloupe, Îles Vierges, Jamaïque, la grande Hispaniola (Haïti et la République Dominicaine), Cuba, plus au nord les Bahamas…

Curaçao n’est pas désertique ni aride mais pas luxuriante non plus. Elle est couverte de broussailles vertes et les arbres en sont absents sauf en quelques endroits protégés (excuzez mes termes, je ne suis ni botaniste ni géographe). Pour comprendre cette sécheresse, regardez vers le sud et avec un peu d’imagination : à 70 km, vous verrez la côte de l’Amérique du Sud au Venezuela, sa capitale Caracas, son pétrole à Puerto La Cruz, sa plaine côtière sèche sans être aride et à 100 km au sud une chaîne de montagnes pas si haute mais quand même.

Et derrière cette chaîne, la mer végétale de l’Amazonie, avec ses deux immenses fleuves, l’Orénoque et l’Amazone. Petit détail qui intéresse les touristes: les eaux brunes de ces deux immenses fleuves charrient des quantités phénoménales de nutriments pour les végétaux. Cette charge est aggravée par la déforestation et l’utilisation intensive d’engrais chimiques. Tous ces nutriments se retrouvent dans la mer pour nourrir des algues flottantes qui remontent avec les courants pour devenir ces sargasses qui touchent les côtes orientales de toutes les îles des Grandes Antilles, celles du Mexique et de la Floride (encore une fois, excuzez, je ne suis pas agronome).

Où en étions-nous ? Ah oui !, l’humidité de l’Amazonie ne se rend pas sur les îles sous-le-Vent à cause de la chaîne de montagne du Venezuela et c’est ce qui explique leur sécheresse.

Toujours debout au centre de Curaçao, comprenez que l’île a été la colonie successive de plusieurs pays européens et un des centres de distribution de leurs esclaves recueillis en Afrique. Une sorte d’entrepôt… C’est finalement la  »Compagnie néerlandaise des Indes occidentales », une créature des Pays-Bas, qui a remporté la mise. Curaçao a maintenant un statut bien compliqué, comme bien des anciennes colonies trop petites pour devenir un pays totalement indépendant.

Car l’île est petite, mesurant environ 40 km en longueur par 10 en largeur. En plus, elle manque de variété et de ressources et est trop peuplée. Sa côte orientale est inhospitalière et inhabitée. Sa campagne au centre et au nord est bien agréable de par sa simplicité et sa tranquillité. Mais sa ville qui compte plus de 150 000 habitants est un super exemple d’étalement urbain. On n’y trouve aucune habitation en étages, seulement des maisons individuelles, avec terrain autour et murées à l’espagnole. Le paysage urbain est donc constitué d’une succession de murs et de portails de toutes formes en dur ou en grillage selon le budget.

Dans un tel contexte, la voiture est essentielle. Comme les rues principales sont d’anciennes routes de campagne, elles ondulent au gré du relief et des obstacles. La ville est dépourvue de panneaux d’arrêt et des carrefours giratoires ont été imposés aux endroits jugés essentiels. Heureusement, la circulation n’est pas rapide et la courtoisie est répandue même envers ceux qui s’imposent comme ils peuvent pour accéder à une voie.

On constate donc une ville sans particularité, ou plutôt on lui constate la particularité de ne pas en avoir. Seul le quartier historique se démarque, avec ses baies fermées qui servaient d’abri aux navires coloniaux, son immense pont bleu impressionnant et ses maisons colorées. Notons aussi la présence de cette raffinerie de pétrole aux nombreuses cheminées et aux réservoir rouillés qui raffine une partie importante du pétrole du Venezuela.

(clic pour défiler)

Si la langue créole locale est encore bien vivante (le Papiamento), et si l’espagnol est bien présent, apporté par des immigrants du Venezuela venus travailler, l’anglais et le néerlandais sont très utilisés. Les prix en commerces sont affichés en monnaie locale, le florin (FL) appelé localement gulden (ANG). Mais comme les cartes de crédit refusent cette monnaie, les transactions à crédit des touristes se font en dollars US.

Tout ça ne rend pas la vie misérable. Je dirais plutôt que cette ville constitue un excellent dortoir pour gens du nord. On peut s’y installer, à la semaine, à la saison ou à l’année que ce soit en ville, en banlieue ou à la campagne dans des quartiers et complexes bâtis spécifiquement pour ça. Mais dans tous les cas, ces snowbirds vont rechercher et reproduire le genre de vie qu’ils connaissent chez-eux ou qu’ils aspirent à connaître. Si vous êtes âgé, retraité et cherchez ce genre de dortoir, n’hésitez pas: c’est ici nettement plus paisible et relax que la Floride, le Texas, le Mexique et plus chaud en hiver que la Costa del Sol et que l’Algarve.

Mais si vous êtes en vacances bien méritées, allez ailleurs…

Personnellement, lors d’un séjour de six semaines en hiver sur cette ile, à la campagne puis en banlieue…

JE N’AI PAS AIMÉ…

AU POINT DE DÉTESTER ?

J’annonçais en introduction avoir même certains jours détesté Curaçao. Je n’ai rien contre l’île elle-même ni surtout contre ses habitants. Mais j’en ai beaucoup contre ces professionnels du voyage qui vantent des plages idylliques, paradisiaques, toutes de sable blanc en poudre et bersées par de l’eau verte…

Une revue disait ceci pour accompagner cette photo:

 » Les Plages de l’île sont tout simplement spectaculaires !  »

Cette photo est extraite d’un article de média et accompagnée de ce genre de textes. Elle a probablement été prise tôt le matin en basse saison…

Un autre pamphlet affirme que :  » Unlash your inner beachbomber as you sink your feet in soft white sand »

Et encore :  » Playa Kalki has earned a place on a list of the best beaches on Earth ».

Et aussi :  » A perfect crescent of brilliant white sand, framed by azure waters and verdant hills  »

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VOICI DES PLAGES RÉELLES :

(clic pour agrandir)

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L’office du tourisme affirme avoir inventorié 35 plages sur l’île. Il s’agit probablement de la notion d »’accès à la mer sans devoir sauter en bas de la falaise… » . Car l’île est un immense bloc de lave relativement plat qui s’élève à 10 mètres au-dessus de la mer. La cote EST  »au vent » est inhospitalière, inhabitée et dépourvue d’accès facile à la mer, sauf de très rares exceptions. La côte OUEST  »sous le vent » est aussi semblable mais quand même échancrée de quelques petites baies (baii, boca, boka) où on peut trouver au fond de petites plages.

Et ces plages offrent une certaine surface de sable et de cailloux. Mais ceci n’en fait pas  » the best beaches on Earth » …

MÉFIEZ-VOUS !!!

Oubliez les immenses rubans de sable des Cayos de Cuba, des côtes de la République Dominicaine, ceux de la pointe sud de la Martinique, des rivages du Yucatan, des parcs caraïbes et Pacifique du Costa Rica, des côtes de Pedasi et de Bocas del Toro du Panama, de celles de la Floride et même du Maine américain.

Ça n’existe pas à Curaçao…

Ces plages sont peu nombreuses. Si on n’en dénombre 35, certaines sont inaccessibles, d’autres sont minuscules ou ne se rejoignent que par randonnée sur falaises, d’autres sont interdites au public normal. Par exemple, entre Sint-Michiel Harbour et Piscadera, même si l’arrière est assez bâti d’habitations pour touristes, on ne trouve comme accès public à la mer que la  »plage » Wachi, large de 3 mètres et longue de 20 mètres, avec des espaces de stationnement pour 9 voitures. Il y aurait une autre plage qu’on ne peut voir car clôturée, gardée et coûtant 30 dollars us la journée pour un petit couple d’étrangers…

Ces plages sont étroites et courtes. Elles sont pour la plupart situées en fond de baie étroite

Ces plages sont de sable ordinaire mais aussi de roches, de galets, de gravier de corail. Des chaussures d’eau sont essentielles pour circuler dans et hors de l’eau

Ces plages sont très fréquentées. Si on compare la faible surface des plages au nombre de visiteurs, on se retrouve avec une densité assez phénoménale ! Dans ma carrière de plagiste, je n’ai vu pire qu’à La Ciotat en Provence et à Playa del Carmen du Yucatan

Ces plages sont payantes pour la grande majorité. Ça se paye en dollars US. Pour plusieurs, on demande un droit d’accès de 5 $ pour la voiture ou de 3,50 $ par personne. On loue des chaises à 3,50 $ chacune. Il n’est pas obligatoire d’en louer mais elles si nombreuses et si densément réparties qu’il n’y a pas d’espace libre raisonnable pour penser à étendre un drap de plage. Et en chaise, c’est la plupart du temps au coude-à-coude avec le voisin d’Amsterdam ou la dame du Wisconsin… Et il semble qu’à l’entrée de certaines, on fouille les sacs et on force à jeter l’eau car on en vend de la pareille…

Ces plages sont mal tenues. La seule autorité qui s’applique à l’aménagement de la plage est celle du loueur de chaises. Celui-ci n’applique aucun principe d’aménagement sauf disposer le plus de chaises possible et s’emparer des espaces ombragés naturels.

Ces plages sont souvent interdites car achetées par des hôtels. Par exemple, la plus belle partie de la plage Caracas, en ville, est bloquée par des panneaux de bois qui empêchent d’admirer entre les barres de la grille les dames qui s’exposent au soleil…

Ce n’est pas pour rien que les brochures affirment aussi que les plus belles plages se trouvent sur la petite ile de Klein Curaçao, située à une heure et à 100 dollars us p/p de l’île principale…

Et les poissons alors ? Je ne suis pas expert en snorkell même si j’en ai fait. L’eau est bien chaude et très limpide, sauf qu’elle est parfois brouillée par des vagues ou des baigneurs. On voit facilement des poissons colorés. Mais ils ne sont ni si variés ni si nombreux qu’on le dit. L’accès à la nage au pied des falaises m’a paru difficile et dangereux. Certaines baies sont meilleures que d’autres. Mon meilleur spot était à la plage Caracas à côté d’une plateforme de forage pétrolier. Assez exotique…

Mais nager avec les tortues alors ? Les brochures parlent souvent de la plage Grandi où on les trouve dans leur état naturel… Il n’y a que l’eau de mer qui soit naturelle. Quelques-unes se tiennent là parce qu’elles sont nourries. J’ai vu une de ces créatures essayer de manger un sac où il restait quelques graines… Et l’eau est brouillée par des amateurs qui font du snorkell à pied…

Chasse à la tortue entre amis…

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ET UNE CROISIÈRE À CURAÇAO ALORS ?

Pourquoi ???

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CONCLUSION

Ma conclusion n’est pas celle des vendeurs de voyage ni de plusieurs de ces vacanciers qui émettent des avis tels qu’on croirait qu’ils tentent de se convaincre qu’ils n’ont pas fait un mauvais achat…

La mienne est plutôt : MÉFIEZ-VOUS !!!

Curaçao n’est pas détestable, mais on n’y va pas pour des vacances. Elle constitue plutôt un bon dortoir pour snowbirds âgés côtoyant une population locale très différente de celle du nord des caraïbes. Mais si vous recherchez des plages un brin sérieuses, continuez de chercher…

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